Marion HEILMANN
(Leonard Lamb)
1971-2019

Artiste farouchement discrète, retirée dans un petit village de l’est de la France jusqu’à sa disparition brutale en juillet 2019 à l’âge de 47 ans, Marion Heilmann (connue aussi, à partir de 2009, sous le nom d’artiste Leonard Lamb) a bâti à l’écart des institutions et du marché de l’art une œuvre d’une grande force et cohérence, à la fois jubilatoire et âpre, enfantine et cultivée, où l’amour de l’exubérance le dispute sans cesse à une soif de fixité.

Constitué en son cœur par de nombreux grands formats à l’huile, à l’encre ou à l’aquarelle peints durant de longs mois, voire des années, avec l’amour du détail et le foisonnement imaginatif d’un enlumineur médiéval, son art résolument narratif et visionnaire s’est ramifié à différentes périodes de sa vie dans la fabrication de masques, de costumes et de marionnettes, de courts-métrages artisanaux en super-8 et d’ambitieux spectacles (Les Animals et la création de la compagnie Théâtre Ispoug, c’est-à-dire « effroi » en russe), ainsi que dans l’auto-édition de livres illustrés. Ses écrits privés (aphorismes, poèmes et manifestes) apportent un éclairage plus intime et brûlant sur son aventure intérieure. Car son univers cosmologique-extatique, en dialogue permanent avec ses aînés William Blake, Lucas Cranach, le cinéaste arménien-géorgien Paradjanov et la peintre-écrivaine Charlotte Salomon, autant qu’avec la statuaire romane et l’art brut, évoluera peu à peu vers la création d’une mythologie privée peuplée de visages, d’animaux et de lieux chers (la Bretagne, la Russie), d’angoisses liées au cauchemar de l’histoire (où plane l’ombre de la Shoah), de scènes primitives autobiographiques et de personnages récurrents. Parmi ces derniers, se détache la figure centrale de Leonard Lamb, cet être chauve habillé en noir et blanc qui réapparaît sous de multiples guises dans ses images et ses spectacles, tantôt solitaire tantôt foule, tantôt victime tantôt bourreau, et dont l’artiste à partir de 2009 prendra définitivement le nom.

Nostalgie de la mort et passion pour la vie, joie des couleurs et ligne claire, gestuelle tranchante et grâce de l’ornement cohabitent au sein de ces rêveries sévères comme des soleils, que Marion Heilmann a tricoté avec une patience de dentellière et un appétit d’enfant pour l’immensité. Tout s’y entrelace : les anges et les monstres, le pouvoir consolateur de la musique et la sainte rigueur de la Bible juive, la cruauté des hommes et la fourrure du silence animal.

Ce site est dédié à sa mémoire et à la connaissance de son œuvre.

Marion Heilmann (aka Leonard Lamb after 2009) was a fiercely reticent artist who chose to live in a small village in the east of France until her sudden death in July 2019 at the age of 47. During this time she managed to build a consistent and powerful body of work, both stark and jubilant, child-like and cultured, in which her love of exuberance is matched only by her hunger for fixity.
At its heart lie many large-scale paintings in oil, Indian ink and water-colour, on which she would work for months on end, even years, with a relish for detail and the imaginative profusion of a medieval illuminator. Unabashedly narrative and visionary, her art also branched out at various moments of her life into the making of masks and costumes, experimental Super 8 short films and ambitious puppet shows (Les Animals and the founding of the theatre company Théâtre Ispoug, i.e. « dread » in Russian), as well as into self-published illustrated books. Her private writings (aphorisms, poems, manifestoes) shed a more intimate light on her incandescent inner journey. Indeed, her « cosmological-ecstatic » world, in constant dialogue with her elders William Blake, Lucas Cranach, the Georgian-Armenian film director Paradjanov and the writer-painter Charlotte Salomon, as well as with Romanesque sculpture and outsider art, gradually evolved into a private mythology peopled with cherished faces, animals and places (Brittany, Russia), deep anxieties linked to the nightmare of history (over which looms the shadow of the Holocaust), autobiographical primal scenes and recurring characters. Amongst the latter, stands out the central figure of Leonard Lamb, a mute spirit dressed in black and white with a bald (or rather, shaved) head, who reappears in various forms in her pictures and shows, alternately loner and crowd, victim and villain, and whose name the artist ended up adopting as her own in 2009.

A yearning for death and a passion for life, joyful colours and ligne claire, trenchant gestures and ornamental grace coexist in these reveries, severe as the sun, which Marion Heilmann knit together with the patience of a lace-maker and a child’s appetite for boundlessness. In her art, all is intertwined : angels and monsters, the consoling power of music and the holy rigour of the Jewish Bible, the cruelty of man and the soft fur of animal silence.

This site is dedicated to her memory and to making her work more widely known.